Sans doute avez-vous déjà remarqué ces gros manchons de soie beige clair qui entourent l'extrémité des branches de nombreux conifères? Il s'agit de nids de chenilles processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa), ainsi nommées en raison de leur étrange façon de se déplacer à la queue leu leu en d'interminables files. Non seulement ces bestioles, dont l'aire de répartition ne cesse de s'étendre vers le nord, infligent des dégâts importants aux arbres qu'elles colonisent - principalement des pins, plus rarement des cèdres — mais leurs poils urticants provoquent de graves allergies cutanées chez l'homme et les animaux domestiques.
D'où l'importance d'éliminer ces indésirables dès qu'elles s'installent dans ou à proximité de lieux fréquentés comme les jardins publics ou privés, les cours d'école, les squares urbains, les aires d'autoroute, etc. Heureusement, plusieurs méthodes de lutte, bio qui plus est, existent.
«Trois à quatre billes par arbre suffisent»
L'une d'elles, récemment mise au point par la société française M2i Life Sciences, en coopération avec l'Institut national de la recherche agronomique d'Avignon, consiste à empêcher la reproduction des adultes - des papillons nocturnes dont le vol nuptial commence maintenant — en projetant sur la cime des arbres, au moyen d'un pistolet spécial, des billes de paintball biodégradables contenant des phéromones sexuelles. Ces substances micro-encapsulées dans un gel vont ainsi pouvoir se libérer lentement en saturant l'air ambiant.
Désorientés, les papillons mâles se retrouvent alors dans l'incapacité de repérer les femelles qui, du coup ne seront pas fécondées. Résultat: pas d'accouplement, pas de ponte et donc pas d'infestation des pins par de nouvelles chenilles. «Trois à quatre billes par arbre suffisent pour toute la saison de reproduction qui s'étale jusqu'en septembre» explique Johann Fournil, de M2i. Soit une dépense de seulement quelques euros à laquelle il faut ajouter le coût de l'application.
Outre sa simplicité de mise en œuvre (pas besoin de grimper à l'arbre ou de s'équiper de nacelles pour installer des pièges en hauteur), la méthode, baptisée Phéro Ball Pin, donne de bons résultats si l'on en juge par les tests menés depuis trois ans aussi bien en sylviculture que sur des arbres isolés. D'une année sur l'autre, le nombre de papillons chute de 80 à 95% et les nids de 40 à 45%. Certaines chenilles pouvant subsister plusieurs années dans le sol, le traitement doit être appliqué pendant 3 à 4 ans pour se prémunir contre les résurgences. Seul problème, vous devrez faire appel à un applicateur professionnel. Mais M2i espère obtenir l'an prochain une autorisation de mise sur le marché pour les jardiniers amateurs.
Poser des pièges et... des nichoirs à mésanges
En plus de la confusion sexuelle, d'autres méthodes existent comme la pulvérisation d'insecticide bio, à base de Bacillus thuringensis (variété kurstaki) à pratiquer en ce moment et jusqu'à l'automne pour éliminer les chenilles.
La destruction des nids doit en revanche intervenir en hiver en prenant soin de bien se protéger pour éviter les réactions allergiques. À partir de février, la pose de pièges spécifiques permet de capturer les chenilles lorsqu'elles descendent de leur arbre pour se transformer en chrysalides en s'enterrant dans le sol et donner les futurs papillons reproducteurs. Il s'agit d'entourer le tronc de l'arbre à une certaine hauteur pour éviter tout contact avec l'homme et les animaux domestiques, avec une collerette qui oriente, via un tube, les chenilles vers un sac rempli de terre, avant de les détruire. Plusieurs dispositifs sont disponibles dans le commerce.
La pose de nichoirs à mésanges bleues ou charbonnières est également recommandée car ces sympathiques passereaux font une grosse consommation de chenilles processionnaires.
Une irrésistible avancée vers le nord
L'aire de répartition de la chenille processionnaire du pin ne cesse de s'étendre tant vers le nord du pays qu'en altitude. La carte ci-contre, réalisée par Jérôme Rousselet, chercheur à la station de l'Institut national de la recherche agronomique à Orléans, montre le «chemin» parcouru par le parasite entre l'hiver 1979 (zone vert foncé) et l'hiver 2016 en jaune, soit en un peu moins de 40 ans.
C'est à partir du début des années 1990 que l'accélération s'est produite en raison principalement de la hausse des températures, mais pas seulement. «D'autres facteurs interviennent comme la présence de plus en nombreuse de pins dans les zones urbaines et les jardins privés, qui créent des corridors d'expansion», explique Jérôme Rousselet. Sans parler du transport accidentel de chenilles sur de longues distances (plusieurs centaines de kilomètres) à la faveur de la transplantation de pins provenant de secteurs infestés.
«C'est l'hypothèse que nous privilégions pour expliquer la présence ponctuelle du parasite en Champagne et en Alsace ces dernières années, poursuit le chercheur. Une fois enterrées dans le sol sous forme de chrysalide les chenilles sont en effet indétectables et voyagent à l'intérieur de la motte de l'arbre transplanté.»
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